Assurer la continuité des soins en psychiatrie : le rôle clé de la télésurveillance
Comment assurer la continuité des soins face à la pénurie de psychiatres ? Découvrez comment la télésurveillance se positionne comme un levier pour sécuriser la prise en charge, au bénéfice des patients et des professionnels de santé.
Dec 23, 2025
3 minutes
Face à la hausse des troubles de l'humeur et à la pénurie de soignants, le suivi en psychiatrie est sous tension. La télésurveillance s'impose comme une réponse clé pour assurer la continuité des soins, au bénéfice des patients et des équipes médicales.
La santé mentale est à la croisée des chemins. Alors que la médecine somatique a largement intégré les outils numériques pour améliorer le suivi des patients, la psychiatrie est restée longtemps en marge de cette transformation technologique. Pourtant, face à l'urgence de la situation sanitaire, les lignes bougent.
Avec la santé mentale désignée Grande Cause Nationale pour 2025 (et prolongée en 2026), la lumière est enfin faite sur un secteur en tension. Entre l'augmentation constante du nombre de patients, la pénurie structurelle de psychiatres et un taux de rechute élevé souvent dû à des ruptures de traitement, le besoin de solutions innovantes n'a jamais été aussi fort.
La télésurveillance médicale, déjà éprouvée en oncologie ou en diabétologie, apparaît aujourd'hui comme une réponse concrète pour transformer le parcours de soins en psychiatrie. Les données sont prometteuses : des études internationales ont démontré son impact positif. Notamment une amélioration à :
- + 20% des symptômes de dépression [1]
- + 37% des symptômes de manie [2]
- + 39% de la qualité de vie [3]
Comment ce dispositif peut-il répondre aux défis actuels de la psychiatrie ? De l’état des lieux alarmant à l’application concrète du suivi à distance, décryptage d’un changement de paradigme nécessaire.
I. État des lieux : L'urgence d'agir en psychiatrie
Une augmentation préoccupante des troubles de l’humeur
Les chiffres récents dessinent une réalité qu'on ne peut ignorer. En 2021, 12,5 % des adultes ont traversé un épisode dépressif au cours de l'année écoulée [4]. Plus inquiétant encore, cette progression frappe de plein fouet les jeunes : la prévalence de la dépression chez les 18-24 ans a presque doublé, passant de 11,7 % en 2017 à 20,8 % en 2021 [4].
Santé Publique France note par ailleurs une hausse des passages aux urgences pour état dépressif et idées suicidaires [5]. Cette tendance corrobore les projections de l'OMS, qui annonce la dépression comme la première maladie mondiale à l'horizon 2030 [6]. La santé mentale apparait alors, sans conteste, comme un enjeu de santé publique majeur nécessitant des solutions immédiates.
Un système de santé sous tension
Face à cette demande en croissance constante, l'offre de soins peine à suivre. La pénurie de professionnels et la répartition territoriale inégale des psychiatres créent des "déserts médicaux" où l'accès aux soins est un parcours du combattant.
Ces délais d'attente ont un impact direct sur la gestion des pathologies chroniques comme la bipolarité ou la dépression sévère. Le système actuel, souvent focalisé sur la gestion de crise, peine à assurer le suivi au long cours. Faute de pouvoir identifier les signaux faibles à temps, les professionnels se retrouvent en surcharge et les patients, isolés, s'exposent à des risques élevés de rechute.
II. Comprendre la télésurveillance médicale
Qu'est-ce que c'est ?
Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), la télésurveillance est "un acte de télémédecine qui permet à un professionnel de santé d’interpréter à distance des données pour le suivi médical d’un patient, voire d’adapter la prise en charge."
Contrairement à la téléconsultation (qui remplace un rendez-vous physique), la télésurveillance est un fil continu. La collecte de données s'effectue via des questionnaires standardisés aussi appelés PROs (Patient Reported Outcomes) — tels que PHQ-9, ASRM, ou PRO-CTCAE) — remplis par le patient sur une plateforme sécurisée. Ces outils permettent d'évaluer régulièrement :
- La sévérité des symptômes
- L’apparition d’effets indésirables
- L’adhésion au traitement (observance)
Un filtre efficace pour les professionnels de santé
La télésurveillance est une solution inclusive qui peut être proposée à tous les patients. La seule barrière technique (L'illectronisme) est d'ailleurs souvent surmontée grâce à l'implication des proches aidants dans la saisie des réponses.
Positionnée entre les consultations, elle n'a en aucun cas vocation à les remplacer, mais à sécuriser les intervalles. Elle change la nature des échanges : elle permet de substituer les appels entrants (souvent déstructurés et chronophages) par des remontées de données qualifiées et organisées.
L'objectif n'est surtout pas de noyer le médecin sous un flux continu d'informations, mais au contraire de trier la donnée pour prioriser l'action médicale. Le système agit comme un entonnoir : il permet de se concentrer sur les cas les plus complexes et urgents, au bon moment.

III. Application de la télésurveillance en psychiatrie
Pourquoi la psychiatrie en a-t-elle besoin ?
Le parcours de soins en psychiatrie est souvent chaotique. Initié par le médecin généraliste, il se poursuit en ambulatoire, parfois entrecoupé d'hospitalisations.
La spécificité des troubles de l’humeur exige un suivi continu sur le long terme. Or, c'est précisément là que le bât blesse :
- Côté professionnels de santé : Entre deux consultations espacées de plusieurs mois, le psychiatre n'a aucune visibilité sur l'état du patient. Contrairement à l'oncologie qui dispose d'imageries ou de bilans sanguins, le psychiatre navigue parfois "à l'aveugle", basant ses décisions sur le récit du patient à l'instant T.
- Côté patients : La solitude face à la maladie et les effets secondaires des traitements (souvent oraux) entraînent une faible adhésion thérapeutique, augmentant drastiquement le risque de rechute et de ré-hospitalisation.
La promesse : rendre visible l'invisible
La télésurveillance vient combler les "trous" dans la raquette du parcours de soins. Grâce aux questionnaires hebdomadaires, l'équipe soignante dispose de données de qualité pour suivre l'état de santé réel du patient dans son quotidien.
Les impacts de cette solution sont doubles :
- Pour l'équipe soignante :
- Une meilleure visibilité inter-consultations.
- Une détection précoce des rechutes (signaux faibles).
- Une optimisation du temps médical : la consultation ne sert plus à "faire l'état des lieux" mais à trouver des solutions, car les données ont déjà été analysées.
- Pour le patient :
- Une personnalisation de la prise en charge : grâce à un lien renforcé, l’équipe de soins peut intervenir au bon moment et en fonction des besoins spécifiques de chaque patient.
- Un sentiment de sécurité : il se sait connecté à son équipe soignante.
- Une meilleure autonomie et implication dans son traitement.
- Une réduction des ruptures de soins.
Prenons l'exemple d'un patient bipolaire. En cas de début d’hypomanie, les signes précurseurs sont détectés et l’équipe soignante alertée. Ceci va permettre une intervention précoce et personnalisée évitant potentiellement une crise majeure et une hospitalisation.
Conclusion
Véritable alliée de la pratique clinique, la télésurveillance est un levier puissant pour sécuriser, fluidifier et personnaliser le parcours de soins en psychiatrie. Elle apporte une réponse structurelle aux défis du suivi au long cours : adhésion thérapeutique, gestion des effets secondaires et prévention des rechutes. En redonnant du temps aux soignants et de la sécurité aux patients, elle humanise paradoxalement le soin par le numérique.
Pour aller plus loin sur ce sujet :
Comment construire un dispositif de télésurveillance adapté aux besoin du terrains en psychiatrie ? Revoir notre dernier webinaire



